Faites-les rédiger et traduire localement.

 

Chaque région a sa culture, ses particularités et ses références. Chaque région est dès lors un nouveau marché qui doit être approché comme tel.

Vous êtes très fébrile : vous lancez vos produits (ou services) au Canada. C’est un pays bilingue, mais pas de souci : vous avez déjà des campagnes en anglais et en français. Par ici les économies.

Mais voilà, ça ne décolle pas : les ventes ne grimpent pas, elles rampent. Pourtant, vous avez appliqué à la lettre cette campagne qui a tant cartonné chez vous.

Erreur fatale : le problème ne réside pas dans votre offre – qui a visiblement fait ses preuves. Plutôt, vous avez sous-estimé le caractère distinctif de chacun de vos nouveaux marchés. Vous avez tenté de séduire tous vos consommateurs avec le même compliment, le même bouquet, la même blague. Quelle histoire!

Le récit règne en roi

Le récit publicitaire, ou communication narrative (storytelling en bon français), domine dorénavant le paysage publicitaire. Le principe est simple : on le sait, les consommateurs s’identifient à des marques qui les séduisent. Et pour ce faire, il faut les attirer et les retenir. Mais comment? En baignant cette marque dans un univers unique et envoûtant qui évolue dans le temps – et l’espace. Le charme opère lorsque le récit nous fait adhérer à l’univers de la marque et nous convertit, dans les deux sens :

  1. il nous convertit en fidèles acheteurs;
  2. il nous convertit en ambassadeurs de la marque.

Mais, ce charme tient à peu et peut être rompu comme ça (l’auteur claque des doigts), ou même ne jamais faire effet. Et bien sûr, la langue y joue un rôle crucial.

Vous dites dialecte, on dit Québec

C’est un fait : Français et Québécois parlent le français, mais pas la même langue. La multitude d’ouvrages, d’articles et de tirades sur le sujet fait foi de cette réalité. Là où des Français accusent les Québécois de parler un dialecte, des Québécois condamnent chez les Français les emprunts abusifs à l’anglais, et leur condescendance toute coloniale.

Quoi qu’on pense de cette controverse, une vérité demeure : la langue de Paris est dure à avaler pour un Québécois. Outre les différences flagrantes dans les références culturelles, les préférences graphiques ou le vocabulaire, certains décalages dans l’usage demeurent assez subtils. Petit exemple : dans leur sens original, les mots chialer et brailler signifient respectivement pleurer et gueuler. Or, au Québec, quand on chiale, c’est qu’on se plaint, et si on braille, c’est qu’on pleure à chaudes larmes.

Et les choses se compliquent dans la langue orale. Question : au Québec, dit-on nous ou disons-nous on? Rien n’est moins clair. Sauf peut-être l’usage du futur simple, auquel on préfère presque toujours le futur proche. Ainsi, « on va aller vous rejoindre », mais « je vais vous appeler » et « vous ferez vos devoirs après votre pratique de hockey ». Alors, quelle est la règle? N’en cherchez pas.

Qu’il s’agisse de tisser un récit publicitaire ou seulement d’accroître sa visibilité, il faut absolument connaître de telles nuances régionales pour établir avec le public cette proximité recherchée. Et ce savoir ne relève pas de la technique, mais de l’expérience, voire de l’intuition.

Tous comptes faits, ne rompez pas le charme

En géographie, il suffit d’un degré d’écart pour gâcher un calcul. Cela vaut autant pour la langue : une infime dérive syntaxique peut briser la magie de votre histoire et éloigner vos clients potentiels. Bien sûr, il en coûtera un peu pour adapter votre contenu localement, mais cette étape peut rapporter gros.

Surtout, souvenez-vous que vous faites bien plus que déplacer des boîtes ou changer le suffixe d’une URL. Qui dit nouveau marché dit nouvelle mise en marché. Et ça, c’est le fin mot de l’histoire.

 

Si vous ne l’avez jamais entendu, prenez le temps d’admirer ce fameux, L’accent, de Miguel Zamacoïs, récité avec majesté par le non moins fameux Fernandel:

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